LE YI : L' INTENTION



Maitre Cui et Ilias Calimintzos

Le Yi (intention) est la manifestation du Shen (esprit).
De celui qui possède une bonne vitalité et un esprit éveillé et fort, on dira que « son Jing Shen (état de forme physique et mentale) est bon ».
Il existe une distinction ténue entre le Shen et le Yi : par exemple, un esprit alerte par son intention va mettre tous les moyens possibles pour réussir dans sa recherche. Lorsque le Yi fonctionne, on comprend aisément, on retient facilement, on conçoit bien et on énonce clairement.
Maître Wang Xian Zhaï a dit : « utiliser la forme pour capter l'intention, utiliser l'intention pour faire apparaître la forme. L'intention naît de la forme, la forme suit l'intention, la force vient de l'esprit, la forme obéit à l'esprit ».

COMMENT ÇA MARCHE ?
Dans l'Art Martial de Yi Quan, le fait de penser à une action, par exemple enfoncer un ballon dans l'eau, apportera au corps toute la résistance et la pression que l'on  rencontre dans la réalité de l'acte. Et pourtant, aucune force musculaire n'est requise. D'ailleurs, si l'on observe le pratiquant pendant cette action, on constate progressivement son changement physique : sa masse musculaire devient très dense tout en paraissant décontractée et souple.
Les possibilités physiques et les habilités biologiques d'un sportif dépendent de la qualité de son réflexe conditionné, guidé par le système nerveux central.
Ces possibilités et ces habilités sont intensifiées au fur et à mesure qu'elles deviennent automatiques.
En aucun cas l'entraînement musculaire ne peut aider à maîtriser l'homogénéité du corps et le mobiliser dans un même moment. Cela est le rôle du système nerveux, guidé par le Yi (intention). Ainsi, la moindre partie du corps en mouvement mobilise automatiquement le corps dans son entier. En chinois cela s'appelle le Zheng Ti.
L'application de cette force totale, au moment de la frappe, est décidée par l'habilité du système neveux qui contrôle les fibres musculaires et qui est lui-même guidé par l'esprit et l'intention (Yi).
Plus le contrôle est grand, meilleure est l'explosion de la force sur la frappe.
C'est une étape très délicate de pouvoir penser et sentir en même temps la force se manifester dans les mains.
Comment cela se fait-il?
La pensée contrôle le système nerveux central qui à son tour contrôle la contraction des muscles, des vaisseaux sanguins et capillaires, énergise et multiplie l'ensemble des terminaisons nerveuses.
Lors des étapes de postures et de Shi Li, la force intérieure arrive aux mains. On remarque alors certains phénomènes : les avant-bras et les doigts transpirent d'avantage que le reste du corps sans que le rythme cardiaque ne s'élève. (Celui qui transpire beaucoup du corps mais peu des mains, n'a pas encore maîtrisé le  Kung Fu WuShu).
L'arrivée de la force commence par les pieds qui ont un rôle de pompe pour se diriger vers les mains.
La recherche de la force de frappe (punch) en Yi Quan, passe par la mise en avant du Yi à travers toutes les étapes de l'entraînement.
Le pratiquant devient capable de produire une force vibratoire et multi-directionnelle en position d'immobilité apparente (Zhan Zhuang), en mouvement lent et doux (Shi Li) ou encore explosif (Fa Li).
« La corps devient alors semblable à un ressort ». Les changements de direction des forces et de déplacement sont testés pendant le Tui Shouet le combat libre (San Shou).
Dans l'enseignement du Yi Quan nous apprenons :
1) A ne pas utiliser la force brute mais l'intention
2) Quand l'intention (Yi) arrive, la force (Li) se manifeste
3) Yi et Li sont inséparables

LE RÔLE DE L'INSTRUCTEUR
Il va de soi que tout cela n’est réalisable que si l'instructeur connait et enseigne le niveau avancé des exercices, lesquels, tout en gardant pratiquement la même forme extérieure, évoluent sensiblement en densité selon l'intention (Yi) que l'on utilise.

LE YI ET LA MUSCULATION
Toute activité physique qui développe à outrance un groupe musculaire, le rend contracté.
C'est le cas, par exemple, des tractions ou pompes qui développent les triceps, les pectoraux, les trapèzes et les deltoïdes, etc.
La contraction empêche la vrai force intérieure de se diriger vers les mains, parce qu'elle empêche la libre et rapide interconnexion du réseau des terminaisons nerveuses et entrave la transmutation de la tonicité musculaire en décontraction.

YI OU QI ?
La science traditionnelle chinoise, considère que le Qi est le principe universel à la base de tout ce qui est animé, inanimé, voire invisible. Il est utilisé pour exprimer divers concepts. Par exemple, on parle de « souffle vital » en médecine traditionnelle, de « l'énergie » dans les arts martiaux, mais aussi en calligraphie et en peinture. On dit dans le cas d'apparition de boutons  de fièvre : le Qi est très chaud. Le souffle respiratoire se dit Qi. Les experts en Qi Gong décrivent comme manifestations du Qi des sensations comme la perception de chaleur, les fourmillements, les bâillements…
Selon le contexte, un entraînement spécifique lui est consacré.
Dans le Yi Quan nous entraînons le Yi et pas le Qi. Il n'y a aucun travail direct sur le Qi. L'intention traverse instantanément le corps via l'action du système nerveux sur les muscles. Le Qi se déplace beaucoup plus lentement que le Yi et les exercices de Qi, tels que les différents types de respiration avec ou sans visualisation, ralentissent la manifestation de la force vers les extrémités. Aussi toute démonstration de type casse ou encaissement de coups sur le corps, demandent un temps de mobilisation du Qi. Par conséquent ces entraînements sont inefficaces dans le cas d’une confrontation réelle.
En ce qui concerne la manifestation de force (Li) dans le Yi Quan, nous évoquons la neurobiologie (les différents types de contraction musculaire), la biomécanique (leviers articulaires, force d'inertie…) et la psychologie.

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